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L’action purement probatoire (demande des états de redevances de marque) fondée sur l’article 145 du code de procédure civile n’est pas soumise au délai de prescription du contrat litigieux, l’action probatoire n’étant pas une action née du contrat.
En tout état de cause, le point de départ de la prescription est la date à laquelle le créancier a connu les faits lui permettant d’exercer son droit. La prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire. (Soc., 1 février 2011, pourvoi n° 10-30.160). Il importe peu que cette obligation de déclaration soit légale ou conventionnelle. En l’espèce, faute pour le cessionnaire d’avoir communiqué au concédant l’état détaillé des ventes, transmission à laquelle il était tenu, il ne pouvait agir en paiement des redevances. L’ordonnance a donc été confirmée en ce qu’elle a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription. |
Résumé de l’affaire : M. [H] [S] a déposé la marque ‘CHANVRIBLOC – Brique de chanvre et de chaux’ à l’INPI en 2004. En 2009, il a cédé cette marque à la société RB PIM, qui est devenue Chanvribloc, avec un contrat stipulant le paiement de redevances basées sur les ventes. Après avoir payé les redevances pour 2009 et 2010, Chanvribloc a cessé de les verser et n’a pas fourni les états de vente requis. En 2014, Chanvribloc a renouvelé le dépôt de la marque, puis a fusionné avec Atticora en 2019. M. [H] [S] a mis en demeure Atticora en 2022 pour obtenir des informations sur les ventes et les redevances dues. En 2023, il a assigné Atticora en référé, demandant la communication de documents. Le tribunal a ordonné à Atticora de fournir ces documents sous astreinte, et a rejeté ses demandes. Atticora a interjeté appel de cette ordonnance. Dans ses conclusions, Atticora conteste la recevabilité des demandes de M. [H] [S], invoquant des arguments de prescription, d’irrecevabilité et d’abus de droit. M. [H] [S] demande la confirmation de l’ordonnance initiale et la condamnation d’Atticora. La cour a confirmé l’ordonnance, condamné Atticora aux dépens et à verser une somme à M. [H] [S].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LX GRENOBLE-
CHAMBERY
Me Manon ALLOIX
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024
Appel d’une ordonnance (N° RG 2023R316)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 08 décembre 2023
suivant déclaration d’appel du 26 décembre 2023
APPELANTE :
Société ATTICORA au capital de 7.770.000 euros, immatriculée au RCS de
GRENOBLE sous le n° 752 036 426, agissant poursuites et diligences de son président en exercice, domicilié ès-qualités audit siège, venant aux droits de la SARL CHANVRIBLOC, anciennement dénommée SARL RB PIM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 7]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me ACHOUIL, avocat au barreau de LYON,
INTIMÉ :
M. [H] [S]
né le 28 mai 1955 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Caroline LARDAUD-CLERC, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
A l’audience publique du 20 juin 2024, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure
M. [H] [S] a déposé le 25 octobre 2004 la marque ‘ CHANVRIBLOC – Brique de chanvre et de chaux ‘ à l’INPI sous le numéro 043320194 pour désigner des briques en mortier de granulat de chanvre liés avec de la chaux pour la construction de murs, de cloisons et de parois isolantes.
Par contrat du 20 mai 2009, M. [H] [S] a cédé à la société RB PIM représentée par M. [M] [P] la pleine propriété de la marque moyennant le paiement d’une redevance basée sur le chiffre d’affaires réalisé par le cessionnaire sur la vente de palettes, ce paiement s’effectuant par année civile au plus tard le dernier jour du mois de janvier de l’année suivante pour une durée de 20 ans à compter du 1er janvier 2009 et devant être accompagné d’un état détaillé des ventes établi par le cessionnaire.
Cette cession de marque a été enregistrée à l’INPI le 21 octobre 2009.
Par décision du 23 août 2010, la société RB PIM a changé de dénomination sociale et est devenue la société Chanvribloc.
Le cessionnaire s’est acquitté des redevances pour les années 2009 et 2010.
Postérieurement, la société Chanvribloc n’a adressé à M. [H] [S] ni le règlement des redevances, ni l’état détaillé des ventes.
Le 15 mai 2014, la société Chanvribloc a renouvelé le dépôt de la marque auprès de l’INPI.
Le 26 août 2019, la société Chanvribloc a fait l’objet d’une fusion-absorption par la société Atticora, présidée par M. [M] [P].
Par courrier du 30 août 2022, M. [H] [S] a mis en demeure la société Atticora de lui communiquer le nombre de palettes vendues par an ainsi que le chiffre d’affaires afférent et de lui payer les sommes dues au titre des redevances pour les années 2011 à 2021.
Par acte du 23 mai 2023, M. [H] [S] a assigné la société Atticora devant le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble aux fins de communication de documents dont l’état détaillé des ventes de palettes.
Par ordonnance du 8 décembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble :
– a pris acte du renoncement de la société Atticora à l’exception d’incompétence soulevée,
– a dit recevables et bien fondées les demandes formées par M. [H] [S],
– a ordonné à la société Atticora de communiquer à M. [H] [S]:
* un état détaillé des ventes de palettes de chanvre au titre des années 2011 à 2022 inclus,
* les comptes annuels de chacun des exercices,
* les grands livres clients de chacun des exercices,
* les grands livres fournisseurs de chacun des exercices,
* les factures d’achat des matières premières constituant des blocs de chanvre de 2011 à 2022 inclus,
ce sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
– s’est réservé la liquidation de l’astreinte,
– a rejeté l’intégralité des demandes de la société Atticora,
– a condamné la société Atticora au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné la société Atticora aux dépens après les avoir liquidés.
Par déclaration remise le 26 décembre 2023, la société Atticora a interjeté appel de cette ordonnance en l’ensemble de ses dispositions sauf en ce que le juge des référés a pris acte du renoncement de la société Atticora à l’exception d’incompétence soulevée.
La clôture de l’instruction du dossier a été prononcée le 6 juin 2024.
Prétentions et moyens de la société Atticora
Dans ses conclusions remises le 9 avril 2024, elle demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 8 décembre 2023 rendue en référé par le tribunal de commerce de Grenoble en ce qu’elle a :
* a dit recevables et bien fondées les demandes formées par M. [H] [S],
* a ordonné à la société Atticora de communiquer à M. [H] [S]:
‘ un état détaillé des ventes de palettes de chanvre au titre des années 2011 à 2022 inclus,
‘ les comptes annuels de chacun des exercices,
‘ les grands livres clients de chacun des exercices,
‘ les grands livres fournisseurs de chacun des exercices,
‘ les factures d’achat des matières premières constituant des blocs de chanvre de 2011 à 2022 inclus,
ce sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
* s’est réservé la liquidation de l’astreinte,
* a rejeté l’intégralité des demandes de la société Atticora,
* a condamné la société Atticora au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* a condamné la société Atticora aux dépens après les avoir liquidés,
Statuant à nouveau:
– déclarer M. [H] [S] mal fondé en toutes ses demandes,
In limine litis
– juger que M. [H] [S] n’a pas fait intervenir d’expert-comptable pour vérifier l’état des ventes détaillé de palettes de blocs de chanvre de la marque CHANVRIBLOC afin de vérifier le montant des redevances potentiellement dues,
– juger que seul l’état détaillé des ventes peut être communiqué conformément au contrat de cession,
– juger que M. [H] [S] sollicite des redevances depuis 2011,
– juger que l’assignation interruptive de prescription date de mai 2023,
– juger que M. [H] [S] a commis une faute dans l’exercice de son droit caractérisant un abus de celui-ci en saisissant le juge 10 ans après la dernière redevance versée,
– prononcer l’irrecevabilité des prétentions de M. [H] [S] faute d’avoir sollicité l’intervention préalable d’un expert-comptable,
– prononcer l’irrecevabilité des prétentions de M. [H] [S] puisqu’il sollicite des documents comptables et sociaux protégés par le secret des affaires,
– prononcer l’irrecevabilité des prétentions de M. [H] [S] antérieures à mai 2018 comme étant prescrites,
Sur le fond
– juger que M. [H] [S] ne rapporte pas la preuve de l’exploitation par la société Atticora de la marque CHANVRIBLOC et donc de la fabrication de blocs de chanvre,
– juger que la société Atticora a cessé de fabriquer des blocs de chanvre de la marque CHANVRIBLOC à partir de 2017,
– juger que le contrat de cession comporte plusieurs clauses irrégulières,
– juger que M. [H] [S] n’a qu’une faculté de rachat en qualité d’ancien propriétaire de la marque et non pas un droit,
– débouter M. [H] [S] de l’intégralité de ses demandes, ce dernier ne disposant manifestement d’aucun motif légitime à l’appui de ses prétentions,
En tout état de cause,
– condamner M. [H] [S] à verser la somme de 4.000 euros à la société Atticora au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [H] [S] aux entiers dépens de l’instance.
Sur la communication d’éléments comptables et le secret des affaires, elle expose que:
– les mesures d’instruction ordonnées ne doivent pas excéder ce qui est strictement nécessaire à l’établissement de la preuve et ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie,
– le contrat de cession prévoit que seul un état détaillé des ventes sera fourni à M. [H] [S] pour le calcul des redevances annuelles dues,
– les autres éléments comptables sollicités ne sont pas prévus au contrat, ils ne sont pas utiles au demandeur et leur communication constituerait une atteinte disproportionnée à ses droits.
Sur l’intervention préalable d’un expert-comptable, elle fait remarquer que :
– le contrat de cession stipule que le cédant peut faire appel à un expert-comptable pouvant vérifier l’état détaillé des ventes de blocs de chanvre de la marque CHAVRIBLOC,
– cet expert-comptable, tenu au secret des affaires, aurait alors constaté qu’aucune palette de blocs de chanvre n’a été vendue au cours de l’année,
– M. [H] [S] ne pouvait éluder cette démarche préalable et amiable avant la saisine du tribunal.
Sur la prescription, elle indique que :
– bien que l’action présente un caractère essentiellement probatoire, les demandes de paiement antérieures à mai 2018 seront nécessairement jugées prescrites par le juge du fond et il n’y a aucun motif légitime à la demande de production de documents relativement à cette période,
– depuis la signature du contrat en 2009, M. [H] [S] a parfaitement conscience des droits qu’il est en mesure d’exercer et en l’absence de communication de l’état détaillé des ventes depuis 2011, il avait tout loisir pour intenter une action,
– si dans deux affaires, la Cour de cassation a retenu que la prescription n’avait pas couru au motif que la personne était tenue de fournir tout justificatif, il s’agissait en l’espèce d’une obligation légale alors que tel n’est pas le cas dans le présent litige,
– en l’espèce, le contrat entre les parties a prévu l’intervention d’un vérificateur expert-comptable en cas de carence de transmission d’information,
– aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions se prescrivent à compter de 5ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer,
– les demandes d’un créancier sont donc prescrites lorsque celui-ci aurait dû avoir connaissance de son droit et aurait décidé de l’ignorer,
– en l’espèce, M. [H] [S] qui a été payé pour la dernière fois en 2011 avait pleinement conscience que des redevances annuelles étaient dues selon le nombre de palettes vendues,
– la présente action ne peut donc concerner que la période à partir du mois de mai.
Sur l’abus de droit, elle relève que :
– elle a cessé dès 2018 de commercialiser ces blocs de chanvre en ce que ce produit était hors norme et réglementation,
– M. [H] [S] ne s’est pas soucié de ses potentielles redevances pendant une dizaine d’années,
– il sollicite le paiement de redevances plus de 10 ans après en sachant pertinemment que les blocs de chanvre ne sont plus vendus prouvant ainsi son intention de nuire et son absence de motif légitime.
Sur l’absence d’obligation d’exploitation et l’absence de motif légitime, elle souligne que :
– M. [H] [S] n’est plus propriétaire de la marque et ne peut donc solliciter quelconque dommages et intérêts,
– des clauses du contrat s’agissant de la résiliation et du transfert automatique de la marque au cédant sont nulles au regard de leur caractère disproportionné et de leur contenu,
– aucune obligation d’exploitation n’est mentionnée dans l’acte,
– il n’existe aucun motif légitime à solliciter les documents comptables sollicités.
Sur les prétendues créances dues, elle fait valoir que :
– il ne peut être déduit qu’elle exploite la marque au motif que cette marque a été valorisée à environ 50.000 euros lors de la fusion-aborption alors que cette marque n’est pas susceptible d’amortissement et ne diminue pas ou n’augmente pas en fonction de son exploitation,
– elle a pu décider de renouveler la marque tout en cessant de l’exploiter par la suite,
– le fait qu’elle fabriquait des blocs de chanvre en 2017 est sans incidence puisque cette période est prescrite,
– aucun des documents produits par M. [H] [S] ne mentionne la vente de blocs de chanvre de la marque CHANVRIBLOC,
– les annuaires et les articles de presse sont inopérants à établir qu’elle exploite la marque et fabrique des blocs de chanvre de la marque CHANVRIBLOC,
– elle a vu ses archives détruites par l’incendie intervenu en février 2023 et ne dispose plus d’éléments comptables antérieurs à 2019, ceux-ci n’étant pas restés en possession des cabinets comptables.
Prétentions et moyens de M. [H] [S]
Dans ses conclusions remises le 27 mai 2024, il demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance rendue le 8 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Grenoble en ce qu’elle a :
* pris acte du renoncement de la société Atticora à l’exception d’incompétence soulevée,
* dit recevables et bien fondées les demandes formées par M. [H] [S],
* ordonné à la société Atticora de communiquer à M. [H] [S] :
‘ un état détaillé des ventes de palettes de chanvre au titre des années 2011 à 2022 inclus,
‘ les comptes annuels de chacun des exercices,
‘ les grands livres clients de chacun des exercices,
‘ les grands livres fournisseurs de chacun des exercices,
‘ les factures d’achat des matières premières constituant des blocs de chanvre de 2011 à 2022 inclus,
ce sous astreinte de 150 euros par document et par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance,
* réservé la liquidation de l’astreinte,
* rejeté l’intégralité des demandes de la société Atticora,
* condamné la société Atticora au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– débouter la société Atticora de son appel et de l’ensemble de ses demandes tendant à :
* infirmer l’ordonnance du 8 décembre 2023 rendue en référé par le tribunal de commerce de Grenoble,
* déclarer M. [H] [S] mal fondé en toutes ses demandes,
* prononcer l’irrecevabilité des prétentions de M. [H] [S] faute d’avoir sollicité l’intervention préalable d’un expert-comptable, en ce que les documents sollicités seraient protégés par le secret des affaires et en ce que l’action serait prescrite,
* débouter M. [H] [S] de l’intégralité de ses demandes, ce dernier ne disposant manifestement pas d’aucun motif légitime à l’appui de ses prétentions,
* condamner M. [H] [S] à verser la somme de 4.000 euros à la société Atticora au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance,
A défaut et en toute hypothèse,
– dire M. [H] [S] recevable et fondée en ses demandes, y faisant droit,
– débouter la société Atticora de toutes demandes, fins et conclusions,
– dire et juger que l’action à initier par M. [H] [S] à l’encontre de la société Atticora en vue du règlement des redevances résultant du contrat de cession de marque en date du 20 mai 2019 n’est pas prescrite,
– dire et juger que M. [H] [S] n’a commis ni faute, ni abus dans l’exercice de son droit d’action,
– constater que la société Atticora est débitrice envers M. [H] [S] du paiement des redevances annuelles prévues au contrat de cession de marque en date du 20 mai 2009, à la suite de la transmission universelle du patrimoine de la société Chanvribloc à son bénéfice,
– ordonner à la société Atticora de communiquer à M. [H] [S]:
‘ un état détaillé des ventes de palettes de chanvre au titre des années 2011 à 2022 inclus,
‘ les comptes annuels de chacun des exercices,
‘ les grands livres clients de chacun des exercices,
‘ les grands livres fournisseurs de chacun des exercices,
‘ les factures d’achat des matières premières constituant des blocs de chanvre de 2011 à 2022 inclus, à savoir la chènevotte et le ciment prompts,
sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
A défaut s’il était considéré que les documents sollicités doivent être protégés au titre du secret des affaires,
– ordonner à la société Atticora de communiquer au juge délégué aux expertises ou tel juge désigné par la cour afin qu’il en prenne connaissance, qu’il sollicite l’avis des parties et qu’il décide d’appliquer les mesures de protection idoines :
‘ un état détaillé des ventes de palettes de chanvre au titre des années 2011 à 2022 inclus,
‘ les comptes annuels de chacun des exercices,
‘ les grands livres clients de chacun des exercices,
‘ les grands livres fournisseurs de chacun des exercices,
‘ les factures d’achat des matières premières constituant des blocs de chanvre de 2011 à 2022 inclus, à savoir la chènevotte et le ciment prompts,
sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– ordonner la transmission des pièces ainsi protégées à M. [H] [S],
– débouter la société Atticora de l’intégralité de ses demandes,
En toute hypothèse,
– se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte,
– constater que la société Atticora n’élève aucune contestation sérieuse à l’encontre des demandes de M. [H] [S],
– condamner la société Atticora à payer à M. [H] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance,
– débouter la société Atticora de sa demande de condamnation de M. [H] [S] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de l’action au regard d’un préalable de conciliation, il fait valoir que :
– le fin de non-recevoir ne peut être accueillie qu’à la condition que le recours à la conciliation soit un préalable obligatoire stipulé par les parties,
– en l’espèce, la clause figurant dans le contrat de cession de marque stipulait la possibilité de recourir à l’intervention d’un expert-comptable pour vérifier l’exactitude de l’état des ventes communiqué par le cessionnaire si le cédant le souhaitait,
– dans le cas présent, le cessionnaire n’ayant pas communiqué les états de vente, il ne pouvait y avoir intervention de l’expert-comptable pour vérifier ces états,
– la clause visée ne constitue pas une clause préalable de conciliation,
– en tout état de cause, si une telle clause avait existé, elle ne privait pas M. [H] [S] de solliciter une mesure d’instruction.
Sur la recevabilité de l’action au regard de la prescription, il relève que :
– les demandes formulées au titre de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas soumises au délai de prescription du contrat litigieux,
– la prescription ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire,
– c’est la transmission de l’état détaillé des ventes permettant de chiffrer le montant de la redevance due à M. [H] [S] qui seule aurait pu faire courir le délai de prescription de l’action en paiement qui y est attachée,
– la connaissance du contrat ne vaut pas connaissance de l’existence de la créance et surtout de son quatum,
– la prescription de l’action en paiement n’a donc pas commencé à courir en l’absence de toute transmission des états détaillés,
– l’action en paiement n’est donc pas prescrite et sa demande est recevable,
– en tout état de cause, il serait a minima recevable à solliciter le paiement des redevances exigibles depuis moins de 5 ans à la date de son assignation,
– l’instance en paiement n’est pas manifestement vouée à l’échec,
– les allégations de la société Atticora ne peuvent faire obstacle à la recevabilité de la demande de communication de pièces.
Sur le secret des affaires, il fait remarquer que :
– le contrat ne limite pas le droit de communication de M. [H] [S] au seul état détaillé des ventes puisqu’il prévoit qu’en cas de différend quant au volume de ventes, M. [H] [S] pourrra vérifier lui-même ou faire vérifier par un expert-comptable l’exactitude de l’état des ventes du
cessionnaire ce qui suppose l’accès aux éléments dont il est sollicité communication,
– le contrat ne limite aucunement les pièces susceptibles d’être obtenues sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile lequel a une portée générale,
– la communication des seuls états détaillés ne peut être envisagée puisque la société Atticora prétend qu’elle n’exploite plus la marque,
– il a entrepris des démarches amiables qui se sont heurtées à la mauvaise foi de la société Atticora ,
– la société Atticora ne démontre pas en quoi les éléments sollicités relèvent des informations protégées au titre des secrets des affaires, leur lecture ne conférant à leur lecteur aucun avantage concurrentiel, étant précisé que M. [H] [S], âgé de 68 ans, est retraité et n’exerce aucune activité et que la société qu’il a dirigée a été radiée en 2020 et n’était pas une concurrente de la société Atticora mais une cliente.
Il ajoute que l’article L123-22 du code de commerce impose une conservation des documents comptables pendant 10 ans, que tout expert-comptable conserve une copie informatique des documents établis, que la société Atticora n’établit pas qu’un incendie aurait détruit ses documents comptables.
Il mentionne que la société Atticora soutient que la marque n’est plus exploitée en l’absence de certification et du non respect des normes alors qu’elle reconnait qu’elle l’a exploitée au moins jusqu’en 2018, qu’elle se vante d’avoir construit plus de 450 maisons en blocs de chanvre, que l’exploitation de la marque est avérée par le renouvellement de la marque le 15 mai 2014, la valorisation de la marque à environ 50.000 euros lors de la fusion absorption, différents articles de presse, l’absence de rétrocession de la marque, différents e-mails et témoignages, des factures.
Il justifie de la légitimité de sa demande de communication des pièces dans la mesure où la vente de blocs de chanvre par la société Atticora peut prendre trois formes :
– la vente de blocs de chanvre à des revendeurs qui peuvent être identifiés dans les grands livres clients,
– la vente de blocs de chanvre à des clients acheteurs de travaux de construction lesquels commandent donc des travaux et la matière première, ce volume de ventes peut être vérifié dans les grands livres clients ainsi que par la consultation des factures d’achat des matières premières vérifiées grâce aux grands livres fournisseurs,
– la vente de blocs de chanvre dans le cadre de la construction de bâtiments d’habitation réalisée par la Société Atticora elle-même qui ne peut être mesurée que par la consultation des factures d’achat des matières premières.
Sur les contestations sérieuses soulevées par la société Atticora, il fait observer que sa demande n’est pas fondée sur l’article 835 du code de procédure civile mais sur l’article 145 du code de procédure civile qui requiert seulement l’existence d’un motif légitime, que ce motif tient à la nécessité de prouver le volume de palettes de blocs de chanvre vendu afin de déterminer le montant des redevances impayées, qu’en tout état de cause à supposer que certaines clauses du contrat soit annulables, cela n’aurait aucun impact sur la validité de la clause de prix.
Sur la faute alléguée par la société Atticora, il fait remarquer qu’une action en paiement n’est pas un comportement anormal et ne démontre aucune intention de nuire.
1) Sur l’irrecevabilité de l’action de M. [H] [S] faute d’avoir sollicité l’intervention préalable d’un expert-comptable
Aux termes de l’article 5 du contrat intitulé ‘ Paiement des redevances’, il est stipulé qu’un état détaillé des ventes devra être établi par le cessionnaire et communiqué au cédant en même temps que le paiement des redevances dues et que le cédant aura le droit de vérifier ou de faire vérifier par tout expert-comptable de son choix et à ses frais, l’exactitude de l’état des ventes du cessionnaire.
Cet article n’impose en aucune manière le recours préalable à un expert-comptable avant d’engager une action. Il prévoit seulement la possibilité pour le cédant de vérifier par lui-même ou par l’intermédiaire d’un expert-comptable l’exactitude de l’état des ventes du cessionnaire.
En l’occurrence, le cessionnaire n’a communiqué aucun état détaillé des ventes depuis 2011. M. [H] [S] ne pouvait donc procéder à des vérifications par lui-même, ni faire intervenir un expert-comptable en l’absence d’état détaillé.
Par ailleurs, cette stipulation ne vise pas à la protection du secret des affaires puisqu’elle prévoit expressément que M. [H] [S] peut vérifier seul l’exactitude de l’état détaillé sans être obligé de recourir à un expert-comptable.
Dès lors, contrairement à ce que soutient la société Atticora, le recours à un expert-comptable ne constitue pas une démarche préalable et obligatoire à toute action en justice.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a écarté cette irrecevabilité.
2) Sur l’irrecevabilité de l’action en raison du secret des affaires
Le secret des affaires n’est pas une cause d’irrecevabilité de la demande de communication des pièces. En effet, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments couverts par le secret des affaires. Pour faire droit à la demande, le juge doit alors apprécier si la production est indispensable à l’exercice de ce droit et si l’atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi.
En l’espèce, la cour relève qu’aux termes du contrat du 20 mai 2009, le cessionnaire avait levé le secret des affaires puisque le cédant était autorisé à vérifier ou faire vérifier par un expert-comptable l’exactitude de l’état des ventes du cessionnaire. Cette stipulation permettait donc à M. [H] [S] d’avoir accès à la comptabilité du cessionnaire et donc aux pièces dont il sollicite la communication.
Par ailleurs, alors que le cessionnaire devait communiquer un état de vente détaillé chaque année au cédant, il s’est abstenu d’exécuter cette obligation malgré plusieurs demandes de M. [H] [S] et n’a communiqué aucun élément. Dès lors, les pièces sollicitées qui permettent de déterminer le volume des ventes sont indispensables à M. [H] [S] pour déterminer le montant des redevances qu’il peut solliciter et l’atteinte au secret est proportionné puisque le cessionnaire a permis contractuellement au cédant d’accéder à sa comptabilité.
3) Sur l’irrecevabilité de la demande en raison de la prescription
L’action purement probatoire fondée sur l’article 145 du code de procédure civile n’est pas soumise au délai de prescription du contrat litigieux, l’action probatoire n’étant pas une action née du contrat.
En tout état de cause, le point de départ de la prescription est la date à laquelle le créancier a connu les faits lui permettant d’exercer son droit.
La prescription quinquennale ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire. (Soc., 1 février 2011, pourvoi n° 10-30.160).
Il importe peu que cette obligation de déclaration soit légale ou conventionnelle.
En l’espèce, faute pour le cessionnaire d’avoir communiqué à M. [H] [S] l’état détaillé des ventes, transmission à laquelle il était tenu, il ne pouvait agir en paiement des redevances.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
4) Sur le motif légitime
Il est justifié d’un motif légitime lorsqu’il existe un litige potentiel entre les parties, que l’action au fond qui motive la mesure d’instruction n’est pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
Comme relevé précédemment, l’action au fond n’est pas manifestement irrecevable puique celle-ci ne pouvait être engagée qu’après la connaissance par M. [H] [S] de l’état détaillé des ventes que le cessionnaire s’est abstenu de lui transmettre malgré l’obligation de transmission prévue par le contrat.
L’action au fond n’est pas non plus manifestement dénuée de tout fondement ou vouée à l’échec, étant précisé qu’il n’appartient pas au demandeur à la communication d’établir avec certitude le bien fondé de la demande qu’il envisage d’engager au fond mais seulement d’apporter des éléments permettant d’étayer sa demande.
En l’espèce, le contrat prévoyait expressément le paiement de redevances sur le chiffre d’affaire réalisé par le cessionnaire sur la vente de palettes.
M. [H] [S] justifie aussi d’indices d’exploitation de la marque :
– la société Chanvribloc devenue la société Atticora a procédé au renouvellement de la marque le 15 mai 2014,
– dans ses écritures (page 15), la société Atticora indique avoir arrêté la vente de blocs de chanvre de la marque ‘Chanvribloc’ en 2018 et reconnaît donc au mois la vente de ces blocs antérieurement,
– lors de l’absorption de la société Chanvribloc par la société Atticora en août 2019, la marque ‘Chanvribloc’ a été valorisée à hauteur de 49.810 euros, étant précisé que cette valorisation dans le cadre d’une fusion doit correspondre à la valeur de la marque,
– M. [H] [S] produit pour les années 2011, 2016, 2018 et 2019 des devis, factures et bons de livraison de blocs de chanvre contenant la mention Chanvribloc,
– il produit aussi des témoignages sur l’utilisation de blocs Chanvribloc figurant sur des sites internet (en 2017 chantier à [Localité 6] – chantier à [Localité 3]),
– le site de la société Aplomb fait apparaître comme partenaire Chanvribloc (En Rhône-Alpes, construisez votre maison Chanvribloc avec Atticora),
– le site internet de la société Atticora comporte une vidéo hébergée depuis le 15 février 2021 mentionnant expressément l’utilisation de bloc Chanvribloc pour l’isolation des maisons.
Dès lors, M. [H] [S] justifie bien d’un motif légitime à sa demande de communication de pièces.
L’observation de la société Atticora selon laquelle elle n’est pas tenue d’exploiter la marque aux termes du contrat est inopérante dès lors que M. [H] [S] produit des indices d’exploitation de la marque.
Par ailleurs, les moyens avancés par la société Atticora sur la nullité de certaines clauses du contrat de cession relatives à l’obligation d’information du cédant lorsque le cessionnaire souhaite protéger la marque à l’étranger ou aux conditions de résiliation du contrat de cession avec transfert automatique de la marque au cédant sont sans incidence sur la clause relative au paiement de redevances. Ces moyens ne sont pas de nature à supprimer tout motif légitime à la demande de M. [H] [S].
Enfin, si la société Atticora fait état d’un abus de droit pour s’opposer à la demande de M. [H] [S], elle ne le caractérise pas. En effet, celui-ci ne commet aucune faute à solliciter des documents aux fins de pouvoir déterminer ses droits et engager une action en paiement, étant relevé qu’il produit des indices d’exploitation de la marque et que la société Atticora n’a pas respecté son engagement de communiquer un état détaillé des ventes.
Comme indiqué plus haut, le secret des affaires ne constitue pas un obstacle à la demande de M. [H] [S] d’autant que celui-ci, retraité à ce jour, n’est pas en situation de concurrence.
La société Atticora argue aussi d’une impossibilité à communiquer les documents sollicités en raison d’un incendie ayant affecté ses locaux en février 2023.
L’article de journal produit par la société Atticora fait état que les pompiers ont tenté de préserver la partie administrative des locaux mais que celui-ci a néanmoins été endommagé par l’incendie.
Elle ne produit aucun constat ou expertise concernant l’incendie. Les articles de journaux sont insuffisants pour démontrer que la totalité des documents comptables de la société ont été détruits.
Au demeurant, la société Atticora verse aux débats le grand livre fournisseurs 2019 ainsi que les grands livres fournisseurs et comptes annuels pour les années 2020, 2021 et 2022 ce qui démontre que tous les documents administratifs n’ont pas été détruits ou qu’ils peuvent être récupérés.
La société Atticora ne justifie donc pas de son impossibilité à communiquer les documents sollicités.
L’ordonnance sera donc confirmée en l’intégralité de ses dispositions.
La société Atticora sera condamnée aux entiers dépens d’appel et à payer à M. [H] [S] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme l’ordonnance rendue le 8 décembre 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions.
Ajoutant,
Condamne la société Atticora aux entiers dépens d’appel.
Condamne la société Atticora à payer à M. [H] [S] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société Atticora de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente