Contourner une saisie-contrefaçon par l’article 145 du CPC ?

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Le juge vérifie que le recours à la procédure de l’article 145 du code de procédure civile est possible et ne constitue pas un détournement de l’obligation pour la requérante d’agir en vertu des dispositions de l’article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle.

En effet, ces dispositions légales prévoient une procédure spécifique en matière de recherche de preuve de contrefaçon (de logiciels), plus contraignante que celle de l’article 145 du code de procédure civile, qui impose de respecter des formes légales strictement prévues, et notamment de saisir le tribunal au fond dans un délai déterminé.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la SAS Qualifia (ADMTC) à la SAS C3 Institute et à la SAS Skillogs. Qualifia accuse C3 Institute et Skillogs d’avoir copié son logiciel ADMTC.PRO et d’avoir violé une clause d’exclusivité dans un contrat de gestion de certifications. Le président du tribunal de commerce de Nanterre a nommé un commissaire de justice pour enquêter. C3 Institute et Skillogs ont contesté les mesures d’instruction et demandé la rétractation de l’ordonnance. Le juge des référés a rejeté leurs demandes et les a condamnés à payer des frais. C3 Institute et Skillogs ont interjeté appel. Une ordonnance de sursis à statuer a été rendue en attendant la décision de l’appel. Les parties ont déposé des conclusions et demandent des rétractations, des annulations, des restitutions et des condamnations. L’affaire est en attente de la décision de la cour.

Les points essentiels

Nullité des opérations de constats

Dès lors que les mesures sollicitées et ordonnées par le juge des requêtes sur le fondement de l’article 145 visent à établir principalement qu’un logiciel est une copie servile et que pour ce faire, le commissaire de justice s’est vu donner pour mission de « se faire communiquer, présenter, produire et rechercher les documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries électroniques se rapportant au logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs dit la plateforme LCP ou Learning Certifications Platform, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception, préparation, sa documentation, son code source ou son code objet et les projets de développements futurs », ainsi que de rechercher à partir de mots clés, « les échanges entre les appelantes et leurs développeurs missionnés pour développer la plateforme LCP », afin de déterminer « la mesure dans laquelle l’accès au logiciel de la société ADMTC par la société C3 Institute en tant que cliente a été indûment utilisé pour développé un logiciel concurrent », c’est à l’évidence la preuve de la contrefaçon du logiciel « ADMTC.PRO » qui est ainsi recherchée.

Dès lors, ADMTC ne pouvait recourir à la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile pour ce faire, de sorte que, par voie d’infirmation de l’ordonnance du 7 juillet 2023, il convient de rétracter l’ordonnance sur requête en date du 15 février 2023.

Il s’ensuit que les mesures réalisées en exécution de cette décision sont dépourvues de tout fondement juridique.

L’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle

Il découle des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile qu’en matière de mesures d’instruction in futurum, le juge compétent est le président de la juridiction qui serait compétence pour connaître du fond du litige éventuel.

Dès lors que le litige en germe en vue duquel la mesure est sollicitée implique la compétence exclusive d’une juridiction, seul le président de cette dernière est compétent pour ordonner une mesure d’instruction avant tout procès, comme tel est notamment le cas en application de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle des actions civiles et demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, lesquelles doivent être exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire.

Il découle notamment de ce texte que la juridiction consulaire est incompétente pour connaître d’une action en concurrence déloyale dès lors qu’une telle action l’amène à se prononcer sur une question relevant d’un droit de propriété intellectuelle.

Ainsi quand bien même le requérant invoque vouloir former des demandes exclusivement sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme, il convient de vérifier si celles-ci impliquent néanmoins un examen de l’existence ou de la méconnaissance d’un droit d’auteur.

Dans sa requête, la société Qualifia indique rechercher des preuves de ce que la société C3 Institute, à l’aide de la société de son groupe, Skillogs, serait l’auteur d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale constitués par la commercialisation d’un logiciel reproduisant notamment les fonctionnalités, les interfaces et l’expérience utilisateur de son propre logiciel.

Elle y écrit être la première agence à avoir proposé un logiciel métier adapté depuis 2017 en renvoyant à une pièce correspondant à sa page de présentation sur son site internet, dans laquelle on peut lire :

« Pour mener à bien sa mission, ADMTC s’est doté d’un outil numérique, interactif et développé en interne afin de mieux s’adapter aux besoins du métier et à leurs évolutions, il s’agit de la plateforme admtc.pro.

Celle-ci permet la gestion intégrale des certifications (dossier apprenant ‘ gestion des évaluations, de la diplomation ‘ enquêtes satisfaction et suivi diplômes ‘ ressources documentaires) sans un environnement de travail évolutif, sécurisé et sécurisant. »

Aux termes de sa requête, elle ajoute encore que « le logiciel métier proposé « ADMTC.PRO » est une innovation complète, puisqu’aucun équivalent ne préexistait sur le marché. (‘)

Ce logiciel est une proposition de valeur phare pour ADMTC puisqu’il fournit toutes les fonctionnalités permettant à un certificateur de s’assurer de l’accompagnement et du contrôle de ses centres de préparation. » (page 3) et que :

« Les premières images du logiciel de C3 Institute que la société ADMTC a pu se procurer laissent également à penser que ce logiciel copie de manière servile les fonctionnalités, l’interface et l’expérience utilisateur du logiciel d’ADMTC » (page 4).

Corrélé au fait que la mission que la requérante a demandé à voir confiée au commissaire de justice comprenait la recherche de la copie du logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception préparation, sa documentation, son code source ou son code objet, il s’avère que la requérante entend bien reprocher aux intimées d’avoir reproduit des éléments originaux de son logiciel pour lequel elle revendique l’empreinte de sa personnalité, ce qui impliquera de procéder à l’analyse de l’existence ou de la méconnaissance du droit d’auteur détenu par ADMTC sur son logiciel ADMTC.PRO.

Or aux termes des dispositions des articles L. 331-1 et D. 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle, il s’avère que le tribunal judiciaire de Nanterre, en tant que juridiction matériellement compétente pour statuer au fond, était dès lors exclusivement compétente pour connaître de la requête de la ADMTC.

Par voie d’infirmation de l’ordonnance dont appel, l’incompétence du tribunal de commerce de Nanterre sera constatée.

INCOMPÉTENCE DU TRIBUNAL DE COMMERCE

Les sociétés C3 Institute et Skillogs contestent la compétence du président du tribunal de commerce pour connaître de la requête d’ADMTC, arguant que les faits litigieux relèvent de questions de propriété intellectuelle et que les mesures d’instruction demandées visent à établir une contrefaçon de logiciel.

IRREGULARITÉ DE LA SIGNIFICATION DE L’ORDONNANCE

Les appelantes soulèvent que l’ordonnance rendue sur requête n’a pas été valablement signifiée, car les actes de signification n’ont pas mentionné les dispositions relatives à la nécessité de former un recours en rétractation dans un délai d’un mois.

ATTEINTE AU CARACTÈRE ÉQUITABLE DE LA PROCÉDURE

Les sociétés C3 Institute et Skillogs demandent l’écartement de certaines pièces du dossier, arguant qu’elles ont été obtenues de manière disproportionnée et dans le cadre d’une procédure non contradictoire.

INADMISSIBILITÉ DES MESURES D’INSTRUCTION

Les appelantes contestent la légalité et la proportionnalité des mesures d’instruction ordonnées, arguant qu’elles confèrent un pouvoir d’investigation général au commissaire de justice et ne sont pas suffisamment limitées dans le temps et dans leur objet.

INFIRMATION DE L’ORDONNANCE

La cour constate l’incompétence du tribunal de commerce pour connaître de l’affaire et infirme l’ordonnance du 7 juillet 2023, ordonnant la restitution des éléments saisis aux sociétés C3 Institute et Skillogs.

DÉCISION SUR LES FRAIS DE JUSTICE

ADMTC, partie perdante, est condamnée à supporter les dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser une somme de 10 000 euros aux sociétés C3 Institute et Skillogs au titre des frais irrépétibles.

Les montants alloués dans cette affaire: – La SCP Judicium, Yves de Forcade la Roquette ‘ Luis Boutanos ‘ Gaëlle Contentin restituera aux sociétés C3 Institute et Skillogs l’intégralité des éléments saisis
– La société Qualifia, autrement appelée ADMTC, devra verser aux sociétés C3 Institute et Skillogs la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– La société Qualifia, autrement appelée ADMTC, devra supporter les dépens de première instance et d’appel

Réglementation applicable

– Code de la propriété intellectuelle
– Code de commerce
– Code de procédure civile

Article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle:
“Le président du tribunal judiciaire est seul compétent pour ordonner des mesures d’instruction en présence d’une mesure de saisie-contrefaçon déguisée, comme en dispose l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et comme il résulte de la jurisprudence.”

Article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle:
“Les mesures d’investigation prévues par l’article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle permettent l’accès et la copie des codes sources et objet d’un logiciel, dans le cadre d’une action en contrefaçon.”

Article R. 153-1 du code de commerce:
“L’article R. 153-1 du code de commerce prévoit la nécessité de former un recours en rétractation dans un délai d’un mois à défaut de quoi les pièces sous séquestre sont automatiquement remises au requérant.”

Article 145 du code de procédure civile:
“En matière de mesures d’instruction in futurum, le juge compétent est le président de la juridiction qui serait compétent pour connaître du fond du litige éventuel, selon les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.”

Article 700 du code de procédure civile:
“L’intimée est condamnée à verser une somme globale de 10 000 euros aux sociétés C3 Institute et Skillogs sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES
– Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES
– Me Alexandre VERMYNCK, avocat au barreau de Paris
– Me Anna LOUBIERE, avocat au barreau de Paris

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– In limine litis
– Compétence du président du tribunal de commerce
– Mesures d’instruction
– Code de la propriété intellectuelle
– Droit d’auteur
– Contrefaçon de logiciel
– Code source
– Code objet
– Mesures d’investigation
– Recours en rétractation
– Séquestre
– Parasitisme
– Exclusivité contractuelle
– Mesure d’instruction admissible
– Secret des affaires
– Loyauté des preuves
– Copie servile
– Interface utilisateur
– Savoir-faire
– Mesures ordonnées
– Procédure légale
– Preuve de contrefaçon
– Procédure contradictoire
– Restitution des éléments saisis
– Procédure non contradictoire
– Motif légitime
– Frais irrépétibles
– Dépens
– Allocation de frais
– Inéquité
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision: Raisons ou justifications sur lesquelles une décision judiciaire est fondée.
– In limine litis: Au seuil du litige, désigne une exception préliminaire soulevée avant l’examen du fond de l’affaire.
– Compétence du président du tribunal de commerce: Autorité du président du tribunal de commerce pour statuer sur certaines affaires commerciales.
– Mesures d’instruction: Décisions prises par le juge pour recueillir des éléments de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Code de la propriété intellectuelle: Ensemble des lois régissant la protection des droits de propriété intellectuelle.
– Droit d’auteur: Droit exclusif accordé à l’auteur d’une œuvre littéraire, artistique ou scientifique pour l’exploiter et en tirer profit.
– Contrefaçon de logiciel: Violation des droits de propriété intellectuelle d’un logiciel, notamment en reproduisant ou en distribuant illicitement ce logiciel.
– Code source: Version lisible par l’homme du programme informatique, contenant les instructions écrites dans un langage de programmation.
– Code objet: Version compilée du programme informatique, traduite en langage machine et exécutable par l’ordinateur.
– Mesures d’investigation: Actions entreprises pour recueillir des preuves ou des informations dans le cadre d’une enquête judiciaire.
– Recours en rétractation: Procédure permettant à une partie de contester une décision judiciaire rendue par défaut.
– Séquestre: Mesure conservatoire consistant à confier la garde d’un bien litigieux à un tiers neutre.
– Parasitisme: Pratique commerciale consistant à profiter indûment de la notoriété ou du travail d’autrui pour en tirer un avantage.
– Exclusivité contractuelle: Droit accordé à une partie de bénéficier seule de certains avantages ou droits en vertu d’un contrat.
– Mesure d’instruction admissible: Décision du juge autorisant la mise en œuvre de certaines mesures d’instruction dans le cadre d’une affaire.
– Secret des affaires: Protection accordée aux informations confidentielles et stratégiques d’une entreprise.
– Loyauté des preuves: Obligation de présenter des preuves de manière honnête et loyale devant le tribunal.
– Copie servile: Reproduction exacte et intégrale d’un document ou d’une œuvre sans y apporter de modifications.
– Interface utilisateur: Partie d’un logiciel permettant à l’utilisateur d’interagir avec le programme.
– Savoir-faire: Ensemble des connaissances techniques et pratiques acquises par une personne dans un domaine spécifique.
– Mesures ordonnées: Décisions prises par le juge pour régler un litige ou une affaire judiciaire.
– Procédure légale: Ensemble des règles et des étapes à suivre pour résoudre un litige devant les tribunaux.
– Preuve de contrefaçon: Éléments de preuve démontrant qu’une violation des droits de propriété intellectuelle a été commise.
– Procédure contradictoire: Procédure judiciaire dans laquelle les parties sont entendues et peuvent présenter leurs arguments et leurs preuves.
– Restitution des éléments saisis: Obligation de restituer les biens ou documents saisis dans le cadre d’une procédure judiciaire une fois celle-ci terminée.
– Procédure non contradictoire: Procédure judiciaire dans laquelle une partie est absente ou n’a pas la possibilité de présenter ses arguments.
– Motif légitime: Raison valable ou justifiée pour agir ou prendre une décision.
– Frais irrépétibles: Frais engagés par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire et non remboursables par l’autre partie.
– Dépens: Frais de justice et de procédure engagés par les parties dans le cadre d’un litige.
– Allocation de frais: Décision du juge attribuant à une partie le remboursement de ses frais de justice par l’autre partie.
– Inéquité: Situation injuste ou contraire à l’équité.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge d’allouer une somme d’argent à une partie pour compenser ses frais de procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 mars 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
23/04979
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2024

N° RG 23/04979 – N° Portalis DBV3-V-B7H-WACD

AFFAIRE :

S.A.S. C 3 INSTITUTE

C/

S.A.S. QUALIFIA

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Juillet 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2023R00378

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 21.03.2024

à :

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. C 3 INSTITUTE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 441 782 885 – RCS de Nanterre

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.S. SKILLOGS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 888 07 9 9 10 – RCS de Nanterre

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 26181

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre VERMYNCK, du barreau de Paris, vestiaire R45

APPELANTES

****************

S.A.S. QUALIFIA, ayant pour nom commercial ADMTC

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 790 563 530 – RCS de Paris

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT CABINET D’AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 – N° du dossier 23078110

Ayant pour avocat plaidant Me Anna LOUBIERE, du barreau de Paris, vestiaire B0800

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Février 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président et Madame Marina IGELMAN, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Qualifia (aussi appelée ADMTC) intervient depuis plus de 10 ans dans le secteur des certifications professionnelles enregistrées par France Compétences, instance de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage, au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).

Elle accompagne les certificateurs, organismes titulaires d’une certification professionnelle (étant habilités à les délivrer), dans la création et la gestion de leur réseau de centres partenaires, habilités à préparer la certification dont le certificateur est titulaire.

La SAS C3 Institute, ayant pour activité la délivrance de certificats professionnels, a signé le 21 janvier 2015 avec la société Qualifia un contrat de gestion exclusive de deux certifications.

La SAS Skillogs est une filiale de C3 Groupe, ayant pour activité le développement d’applications informatiques pour la formation et l’apprentissage.

En 2017, ADMTC a créé le logiciel « ADMTC.PRO » pour la gestion des certifications.

Le 14 décembre 2021, la société C3 Institute et ADMTC ont signé un contrat de gestion portant sur deux autres certifications.

En novembre 2022, la société C3 Institute a annoncé sur son site internet l’ouverture de sa nouvelle plateforme LCP (Learning Certifications Platform) pour gérer les certifications.

Par requête du 8 février 2023, ADMTC a sollicité du président du tribunal de commerce de Nanterre des mesures d’instruction à l’encontre de la société C3 Institute et de la société Skillogs, leur reprochant d’avoir copier son logiciel et s’agissant de C3 Institute seule, d’avoir violer la clause d’exclusivité figurant dans le contrat de 2015.

Par ordonnance du 15 février 2023, le président du tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à la demande d’ADMTC et a nommé un commissaire de justice.

Le 9 mars 2023, les mesures d’instruction ont été réalisées dans les locaux de la société C3 Institute et de la société Skillogs, et les éléments saisis ont été placés sous séquestre.

Par acte d’huissier de commissaire de justice délivré le 6 avril 2023, les sociétés C3 Institute et Skillogs ont fait assigner en référé ADMTC aux fins d’obtenir principalement :

– voir juger que le tribunal de commerce de Nanterre est incompétent pour connaître de la demande de mesures d’instructions formée par la société Qualifia dans sa requête du 8 février 2023,

– la rétractation de l’ordonnance du 15 février 2023 et l’annulation de l’ensemble des mesures et actes subséquents,

– la restitution des éléments saisis,

– voir dire que la signification de la requête du 8 février 2023 de la société Qualifa et de l’ordonnance du 15 février 2023 est irrégulière et nulle,

– voir écarter des débats les pièces adverses n° 5, 6, 6 bis, obtenues de façon déloyale,

– la rétractation de l’ordonnance du 15 février 2023 et annuler l’ensemble des mesures et actes subséquents,

– la restitution des éléments saisis,

– l’application des articles L. 153-1 et R. 153-2 et suivants du code de commerce,

– la remise par le commissaire de justice d’une copie des éléments appréhendés auprès de la société C3 Institute et la société Skillogs dans un délai de 48 heures à compter du rendu de l’ordonnance,

– le prononcé d’un renvoi à un mois pour fixation d’un calendrier fixant le délai dans lequel la société Skillogs et la société C3 Institute devront organiser la protection de leurs secrets d’affaires, et remettre au président :

– une version intégrale et confidentielle de chacun des documents qui relèvent, de son point de vue, de la protection du secret des affaires ;

– une version non confidentielle ou un résumé lorsqu’une telle production est envisageable ;

– un mémoire contenant des explications précisant, document par document, les motifs leur conférant un caractère confidentiel,

– la condamnation de la société Qualifia au paiement, en faveur de la société Skillogs, de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamnation de la société Qualifia au paiement, en faveur de la société C3 Institute, de la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamnation de la société Qualifia aux dépens de l’instance.

Par ordonnance contradictoire rendue le 7 juillet 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

– dit la demande de la société C3 Institute et de la société Skillogs d’exception d’incompétence recevable mais mal fondée,

– dit que la signification par acte de commissaire de justice du 9 mars 2023, de la requête du 8 février 2023 et de l’ordonnance du 15 février 2023, est régulière,

– débouté la société C3 Institute et la société Skillogs de leur demande d’écarter les pièces n°5, 6 et 6bis d’ADMTC,

– débouté la société C3 Institute et la société Skillogs de leur demande de rétractation de l’ordonnance du 15 février 2023,

– dit n’y avoir lieu à statuer, dans l’instance, sur l’application des articles L. 153-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce,

– condamné in solidum la société C3 Institute et la société Skillogs à payer à ADMTC la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

– condamné in solidum la société C3 Institute et la société Skillogs aux dépens,

– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 57,65 euros, dont TVA de 9,61 euros,

– dit que l’ordonnance est mise à disposition au greffe de ce tribunal.

Par déclaration reçue au greffe le 20 juillet 2023, les sociétés C3 Institute et Skillogs ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’elle a liquidé les dépens.

Par acte extrajudiciaire du 10 août 2023, ADMTC a fait assigner les sociétés C3 Institute et Skillogs devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre afin qu’il ordonne la mainlevée du séquestre.

Par ordonnance rendue le 19 septembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision à rendre dans le présent appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 22 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés C3 Institute et Skillogs demandent à la cour, au visa des articles 141, 145, 147 et 496 du code de procédure civile, L. 153-1 et R. 153-1 à R. 153-10 du code de commerce, L. 331-1 et L. 332-4 du code de propriété intellectuelle, de :

‘in limine litis,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a :

« dit la demande de la sa C3 Institute et de la sas Skillogs d’exception d’incompétence recevable mais mal fondée.

débouté la sa C3 Institue et la sas Skillogs de leur demande de rétractation de l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 »;

statuant à nouveau :

– se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire de Nanterre pour connaître de la demande de mesures d’instructions formée par la société Qualifia dans sa requête du 8 février 2023 ;

en conséquence,

– rétracter l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 et annuler l’ensemble des mesures et actes subséquents ;

– ordonner la restitution des éléments saisis ;

à titre principal,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a :

« dit que la signification par acte de commissaire de justice du 9 mars 2023, de la requête du 8 février 2023 et de l’ordonnance 2023O06815 du 15 février 2023 , est régulière.

débouté la sa C3 Institue et la sas Skillogs de leur demande de rétractation de l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 »;

statuant à nouveau :

– juger que la signification de la requête du 8 février 2023 de la société Qualifia et de l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 est irrégulière et nulle ;

en conséquence,

– rétracter l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 et annuler l’ensemble des mesures et actes subséquents ;

– ordonner la restitution des éléments saisis ;

à titre subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Nanterre le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a :

« débouté la sa C3 Institute et la sas Skillogs de leur demande d’écarter les pièces n°5,6 et 6bis d’ADMTC

débouté la sa C3 Institue et la sas Skillogs de leur demande de rétractation de l’ordonnancen°2023O06815 du 15 février 2023 »;

statuant à nouveau :

– écarter des débats les pièces adverses n°5, 6, 6bis, obtenues de façon déloyale ;

– juger que les mesures d’instruction prévues par l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 sont dépourvues de motif légitime ;

– juger que rien ne justifiait que l’ordonnance n° n°2023O06815 du 15 février 2023 soit rendue de façon non contradictoire ;

– juger que l’ordonnance n° n°2023O06815 du 15 février 2023 prévoit des mesures d’instruction non légalement admissibles ;

en conséquence,

– rétracter l’ordonnance n° 2023O06815 du 15 février 2023 et annuler l’ensemble des mesures et actes subséquents ;

– ordonner la restitution des éléments saisis ;

à titre très subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a

« dit n’y avoir lieu à statuer, dans cette instance, sur l’application des articles L153-1 et R153- 1 et suivant du code de commerce »

statuant à nouveau :

– juger recevable et fondée la demande de modification de l’ordonnance n°2023O06815 formulée par les sociétés C3 Institute et Skillogs ;

– juger que les pièces appréhendées dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance n°2023O06815 ne pourront pas être communiquées à la société Qualifia, n’étant pas utiles et ne relevant pas d’une mesure légalement admissible ;

en conséquence,

– modifier l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 en limitant la mesure d’investigation :

– aux correspondances échangées entre les sociétés C3 Institute, Skillogs et Skunkworks avec le mot clé ADMTC datées du 1ier janvier 2022 au 31 mars 2022 ;

– aux supports informatiques et messageries informatiques de Mme [B] [U] et M. [T] [Y], en charge du développement de la plateforme LCP au sein des sociétés C3 Institute et Skillogs ,

– modifier l’ordonnance n°2023O06815 du 15 février 2023 en ordonnant au commissaire de justice de remettre à C3 Institute et Skillogs une copie exacte des éléments saisis ;

– ordonner au Commissaire de justice de restituer sans délai aux sociétés C3 Institute et Skillogs l’ensemble des pièces appréhendées dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance qui ne correspondrait pas à ces limitations ;

et,

– renvoyer l’affaire devant le président du tribunal de commerce Nanterre afin qu’il statue sur les opérations de levée de séquestre dans le respect des articles L. 153-1 et R. 153-2 et suivants du code de commerce ;

à défaut, si la cour décide de procéder elle-même aux opérations de levée de séquestre

– ordonner qu’il soit fait application des articles L. 153-1 et R. 153-2 et suivants du code de commerce ;

– ordonner la remise par le commissaire de justice d’une copie des éléments appréhendés auprès des sociétés C3 Institute et Skillogs dans un délai de 48 heures à compter du rendu de l’ordonnance à intervenir ;

– prononcer un renvoi à un mois pour fixation d’un calendrier fixant le délai dans lequel les sociétés Skillogs et C3 Institute devront organiser la protection de leurs secrets d’affaires, et remettre à M. le Président :

– une version intégrale et confidentielle de chacun des documents qui relèvent, de son point de vue, de la protection du secret des affaires ;

– une version non confidentielle ou un résumé lorsqu’une telle production est envisageable ;

– un mémoire contenant des explications précisant, document par document, les motifs leur conférant un caractère confidentiel ;

sur l’appel incident :

– débouter la société Qualifia de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions

en tout état de cause,

– infirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nanterre le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a :

« condamné in solidum la sa C3 Institute et la sas Skillogs à payer à ADMTC la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

condamné in solidum la sa C3 Institute et la sas Skillogs aux dépens »

statuant à nouveau :

– condamner la société Qualifia à payer aux sociétés Skillogs et C3 Institute la somme de 20 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Qualifia aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.’

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Qualifia demande à la cour, au visa des articles 145, 493 et suivants du code de procédure cvile, L. 153-1 et R. 153-1 du code de commerce, de :

‘- confirmer l’ordonnance du 7 juillet 2023 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a déclaré qu’il n’y avait pas lieu dans le cadre de la présente instance de décider de la levée des séquestres.

en conséquence, infirmer l’ordonnance du 7 juillet 2023 en ce qu’elle a déclaré : « disons n’y avoir lieu à statuer, dans cette instance, sur l’application des articles L.153-1 et R.153-1 du code de commerce. » et statuer à nouveau pour :

– ordonner la levée totale des séquestres,

à titre subsidiaire :

– se prononcer sur la levée des séquestres, conformément aux dispositions des articles R.153-2 à 153-9 du code de commerce ;

en tout état de cause :

– débouter les sociétés C3 Institute et Skillogs de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions;

statuant à nouveau :

– condamner solidairement les sociétés C3 Institute et Skillogs a` verser a` la société ADMTC la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement les sociétés C3 Institute et Skillogs aux entiers dépens, dont distraction au profit d’Anna Loubière, avocate a` la cour, en application de l’article 699 du code de procédure civile. »

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

In limine litis, les sociétés C3 Institute et Skillogs concluent à l’incompétence du président du tribunal de commerce pour connaître de la requête d’ADMTC.

Elles soutiennent qu’en présence d’une mesure de saisie-contrefaçon déguisée, le président du tribunal judiciaire est seul compétent pour ordonner des mesures d’instruction, comme en dispose l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle et comme il résulte de la jurisprudence.

Elles font valoir que les faits litigieux invoqués par ADMTC dans sa requête relèvent manifestement de questions de propriété intellectuelle puisqu’ils portent sur la reproduction alléguée d’un logiciel et de ses composants qui sont protégés par le droit d’auteur (les autres éléments composant un logiciel, telles que les interfaces graphiques, étant également, si elles satisfont à la condition d’originalité, protégées au titre du droit d’auteur classique), et que les mesures d’instruction prévues ont en réalité pour but d’établir une contrefaçon de ce logiciel.

Selon elles, l’ordonnance, faisant droit à la requête d’ADMTC, a commis le commissaire de justice afin de :

« se faire communiquer, présenter, produire et rechercher les documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries informatiques se rapportant :

– Au logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs dit la plateforme LCP ou Learning Certification Platform, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception préparation, sa documentation, son code source ou son code objet [‘] »,

et a également autorisé :

– « le commissaire de justice à faire fonctionner le logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs autrement dit la plateforme LCP ou Learning Certification Platform » ;

– « le commissaire de justice et l’expert informatique à [‘] imprimer et/ou copier [‘] le contenu des programmes informatiques, en code source et en code objet » ;

– et « le commissaire de justice à décrire et/ou prendre des copies [‘] des éléments trouvés »,

autorisant ainsi l’accès et la copie des codes sources et objet de la plateforme LCP, de telles mesures constituant précisément les mesures d’investigation prévues par l’article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle.

Elles soulignent que l’information recherchée ne concerne pas seulement l’interface graphique et les fonctionnalités des logiciels, mais bien l’accès au code source ou objet du logiciel, ce qui ne peut se justifier que dans la perspective d’une action en contrefaçon.

A titre principal, les appelantes font valoir que lors des mesures de saisies, l’ordonnance rendue sur requête n’a pas valablement été signifiée, puisque les actes de signification ne mentionnent pas les dispositions de l’article R. 153-1 du code de commerce relatives à la nécessité de former un recours en rétractation dans un délai d’un mois à défaut de quoi les pièces sous séquestre sont automatiquement remises au requérant, de sorte que l’information la plus importante à porter à la connaissance d’une personne faisant l’objet d’une telle mesure a été omise alors que c’est la seule qui permette à la société d’obtenir un débat contradictoire préalable à la transmission des pièces à son contradicteur.

A titre subsidiaire, les appelantes sollicitent voir écarter des débats les bien adverses 5, 6 et 6 bis, constituant le cahier des charges de la plateforme LCP (pièce adverse 6) obtenu grâce aux mails de Mme [U] (pièce adverse 5), qui est une ancienne salariée de C3 Institute, désormais employée par l’ADMTC.

Elles ajoutent que la production de cette pièce entraîne une atteinte disproportionnée au caractère équitable de la procédure, s’agissant d’une pièce émanant d’une ancienne employée, qui n’est pas indispensable comme l’admet l’ADMTC elle-même, et qui a été produite dans le cadre d’une procédure non contradictoire.

A titre subsidiaire, les sociétés C3 Institute et Skillogs font valoir que rien ne justifiait la dérogation au principe du contradictoire ; que les faits qui leur étaient reprochés étaient déjà connus et public, de sorte qu’il est insensé de prétendre qu’ils pourraient disparaître ; que les pièces recherchées sont essentiellement une copie du logiciel développé, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception préparation, sa documentation, son code source et son code objet, qui sont des données essentielles à la maintenance, au développement et à l’existence même du logiciel, qui ne sont donc pas par nature « volatiles et facilement supprimables » ; que la requérante ne caractérise pas ce qui dans le comportement des sociétés C3 Institute et Skillogs pourrait la conduire à suspecter un comportement dissimulateur et improbe.

Elles ajoutent que s’agissant de la recherche de preuve d’une violation par la société C3 Institute de son obligation contractuelle d’exclusivité, ADMTC n’a jamais expliqué les raisons du recours à une procédure non contradictoire, alors que toute habilitation accordée par un certificateur à un organisme préparé à la certification fait l’objet d’une déclaration auprès de l’institution nationale publique « France Compétences ».

A titre encore subsidiaire, les appelantes exposent que la mesure sollicitée par ADMTC ne répond à aucun motif légitime ; qu’ADMTC dispose déjà de toutes les pièces nécessaires à l’appréciation de la pertinence d’une action au fond.

Elles relèvent qu’en premier lieu, s’agissant du logiciel, ADMTC réclame le code source et des éléments de nature à établir qu’elles auraient copié servilement son logiciel pour réaliser le leur ; que comme déjà établi, l’intimée ne peut envisager d’obtenir le code source qu’au moyen d’une saisie-contrefaçon et sorte que la présente mesure est inutile ; qu’en ce qui concerne la comparaison entre les 2 logiciels, ADMTC est déjà informée de l’existence des contrats incriminés et de l’identité des cocontractants dont elle dresse une liste issue du RNCP disponible sur le site de France Compétences ; que d’ailleurs, ADMTC a proposé une mesure d’instruction qui cible uniquement le logiciel LCP, de même que les mots-clés ne comprennent que les noms des personnes impliquées dans le développement de ce logiciel.

Elles prétendent que l’action en parasitisme envisagée est manifestement vouée à l’échec en ce que :

– ADMTC ne démontre pas que le logiciel LCP serait une copie servile du sien,

– le parasitisme invoqué ne porte pas sur une modalité du logiciel ADMTC susceptible de faire l’objet d’un droit d’auteur,

– elles ont engagé des efforts financiers très conséquents pour le développement de leur logiciel.

Elles soutiennent que l’action en responsabilité contractuelle pour violation de l’exclusivité stipulée au contrat du 21 janvier 2015 est également manifestement vouée à l’échec en ce que sur les 5 centres de préparation ajoutés à la liste des centres habilités à préparer la certification sur la fiche RNCP (qui est le seul indice invoqué par l’intimée), 1 n’existe plus et les 4 autres ne sont pas habilités à proposer la certification dans son ensemble, n’offrant que des « blocs de compétences », ce qui n’était pas prévu au contrat de 2015 puisque résultant d’une loi du 5 septembre 2018.

A titre subsidiaire toujours, les appelantes font valoir que la mesure d’instruction n’est pas légalement admissible en ce que :

– la mesure confie au commissaire de justice un pouvoir d’investigation général doublé d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire puisqu’il est notamment :

* autorisé, aux termes de l’ordonnance, à « se faire communiquer, présenter, produire et rechercher les documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries informatiques se rapportant [‘] au logiciel développé à la demande de C3 Institute » et « aux faits reprochés », ce qui est prohibé puisque cela implique de la part du commissaire qu’il se livre à une analyse juridique du contenu des documents appréhendés,

* autorisé à saisir des « documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries informatiques se rapportant [‘] au logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs dit la plateforme LCP ou Learning Certifications Platform, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception préparation, sa documentation, son code source ou son code objet et les projets de développement futurs », ce qui suppose d’analyser l’intégralité du contenu des divers documents ;

* se voit confier la mission de saisir des « documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries informatiques se rapportant [‘] aux faits reprochés, en utilisant les mots clés suivants [‘]. », ce qui implique aussi qu’il se livre à une analyse intégrale des documents pour ne retenir que ceux susceptibles de qualifier les actes de concurrence déloyale et de violation contractuelle allégués ;

* est habilité à effectuer une fouille complète des locaux des sociétés ;

– les mesure autorisées sont insuffisamment limitées et adaptées à la finalité des recherches : elles ne sont ni limitées dans le temps, ni quant aux personnes ayant à subir la mesure d’investigation puisqu’elle vise « tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries informatiques », ni dans son objet puisque le commissaire de justice est autorisé à saisir tout document, sans l’aide de mot-clé ;

– aucune copie ni liste des pièces saisies ne leur a été remise en violation des principes cardinaux du droit puisque l’exercice d’une action afin de rétablir le contradictoire suppose de connaître la liste des pièces saisies.

A titre très subsidiaire, les sociétés C3 Institute et Skillogs demandent la modification de l’ordonnance ayant autorisé les mesures afin que :

– ADMTC n’ait pas un libre accès à l’élaboration par C3 Institute de son logiciel propriétaire,

– les mesures soient limitées durant la période à laquelle les faits reprochés se seraient déroulés, soit le premier trimestre 2022 et aux personnes ayant à subir la mesure, soit les personnes en charge du développement de la plateforme LCP.

Elles demandent aussi que la remise d’une copie des éléments saisis soit prévue.

A titre très subsidiaire, les sociétés C3 Institute et Skillogs demandent à la cour de renvoyer l’affaire devant la juridiction de première instance afin qu’elle statue conformément aux dispositions de l’article R. 153-1 du code de commerce, et à défaut, qu’elle mette en ‘uvre ces mesures.

Corrélativement et afin de mettre en ‘uvre les mesures permettant la protection de leur secret des affaires, elles sollicitent que ADMTC soit déboutée de sa demande aux fins de levée des séquestres.

La société Qualifia rétorque qu’en l’absence de demande portant sur des droits de propriété intellectuelle, seul le président du tribunal de commerce est compétent pour ordonner des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’en matière de logiciel, la protection par le droit d’auteur est uniquement accordée sur les codes sources du logiciel, sous réserve de leur originalité, et que les fonctionnalités et l’interface d’un logiciel sont exclues de cette protection, de sorte que c’est bien l’action en parasitisme qui permet de sanctionner le fait de se placer dans le sillage d’un tiers.

Elle rappelle qu’elle reproche notamment à la société C3 Institute d’avoir :

– utilisé des copies écrans du logiciel ADMTC pour rédiger le cahier des charges de la plateforme LCP ;

– fourni des accès multiples (c’est-à-dire permettant d’accéder aux interfaces et fonctionnalités de chaque type de profil existant) au logiciel ADMTC aux développeurs de la société qu’elle a missionnés pour développer sa plateforme LCP pour leur permettre de copier les fonctionnalités et l’interface utilisateur ;

– copié les fonctionnalités et l’interface utilisateur pour s’épargner du temps et des investissements.

Elle prétend que l’analyse du code source du logiciel de la société C3 Institute permettrait uniquement de déterminer les conditions dans lesquelles ce logiciel a été développé.

A toute fin utile, elle indique qu’aucun code source n’a été trouvé lors des opérations du 9 mars 2023.

L’intimée soutient ensuite que la signification de l’ordonnance lors des opérations de saisie est régulière ; que les appelantes reconnaissent d’ailleurs que les règles procédurales ont bien été respectées et que s’agissant des voies de recours, elles figurent dans les actes remis, tandis que l’article R. 153-1 du code de commerce ne prévoit pas de voie de recours mais un délai pour maintenir le séquestre ordonné et alors que les appelantes ont bien assigné dans le délai prévu, de sorte qu’aucun grief ne leur a été causé.

La société Qualifia conclut ensuite à la loyauté des preuves soumises au débat, faisant valoir que les pièces n° 5 et 6 que les appelantes souhaitent voir écartées, sont des emails qui lui ont été fournis par une de ses destinataires, et que la conservation de documents par un salarié après son contrat de travail ne constitue pas un vol.

Elle estime que même si ces pièces étaient écartées des débats, l’ensemble des autres pièces suffisent à rendre crédible le fait que la société C3 Institute aurait développé un logiciel concurrent en détournant son savoir-faire et ses investissements.

La société Qualifia entend ensuite démontrer qu’elle a justifié d’un motif légitime pour obtenir des mesures d’instruction.

Elle indique tout d’abord à cet égard que les mesures sollicitées visent bien à améliorer sa situation probatoire ; que la vidéo YouTube ne présente qu’une version très partielle et tronquée de la plateforme LCP ; qu’elle dispose d’éléments partiels montrant que les sociétés C3 Institute et Skillogs auraient accédé à son propre logiciel et fait des copies écrans de son logiciel pour développer la plateforme LCP ; que les opérations réalisées avaient donc pour objet de vérifier si et quels éléments et documentation appartenant à ADMTC avaient été utilisés pour développer la plateforme LCP, grâce notamment à l’appréhension des échanges entre les appelantes et leurs développeurs missionnés pour développer cette plateforme.

Elle relève ensuite qu’elle a bien communiqué des pièces qui permettent de rendre crédible le fait que :

– la société C3 Institute a donné indûment des accès multiples et répétés au logiciel ADMTC à des développeurs externes missionnés pour réaliser un logiciel similaire ;

– la société C3 Institute a pris des captures écrans du logiciel ADMTC pour l’intégrer dans le cahier des charges du développement d’un logiciel similaire ;

– cela a permis à la société C3 Institute de commercialiser un logiciel concurrent ;

– la société C3 Institute a utilisé une communication similaire a’ celle d’ADMTC sur son site internet;

– l’ensemble de ces actes auraient été réalisés avec l’assistance de la société Skillogs en charge de gérer le développement.

Elle rétorque que les arguments adverses ne sont pas pertinents pour l’examen de la validité de l’ordonnance mais relèvent du débat au fond.

Elle prétend en outre avoir bien avancé les circonstances propres à son cas justifiant la dérogation au principe du contradictoire, à savoir que la société C3 Institute a déja’ fait preuve d’une potentielle déloyauté en usurpant le savoir-faire de son partenaire ; que le risque est grand que les sociétés C3 Institute et Skillogs obstruent les opérations de constat ; que les preuves sont facilement supprimables puisque toutes stockées sur des supports informatiques, notamment s’agissant des échanges entre les appelantes et leurs développeurs externes.

Elle conclut aussi à la légalité et proportionnalité des mesures prononcées puisqu’elles permettent uniquement de constater l’ensemble des éléments de la plateforme LCP développée à la demande des sociétés C3 Institute et Skillogs, qui est le logiciel argué de parasitisme et de constater tout document sur la base de mots clefs strictement en lien avec les faits reprochés.

Elle réfute le caractère général de la mesure d’investigation, précisant que les éléments appréhendés ont été placés sous séquestre, de même qu’un pouvoir d’appréciation soit donné au commissaire de justice.

Enfin, l’intimée sollicite l’infirmation de l’ordonnance qui l’a déboutée de sa demande aux fins de levée des séquestres et demande à la cour de la prononcer pour l’intégralité des pièces appréhendées ou à titre subsidiaire, de se prononcer sur cette levée dans les conditions prévues aux articles L. 153-1 et R. 153-2 et suivants du code de commerce.

Sur ce,

Il découle des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile qu’en matière de mesures d’instruction in futurum, le juge compétent est le président de la juridiction qui serait compétence pour connaître du fond du litige éventuel.

Dès lors que le litige en germe en vue duquel la mesure est sollicitée implique la compétence exclusive d’une juridiction, seul le président de cette dernière est compétent pour ordonner une mesure d’instruction avant tout procès, comme tel est notamment le cas en application de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle des actions civiles et demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, lesquelles doivent être exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire.

Il découle notamment de ce texte que la juridiction consulaire est incompétente pour connaître d’une action en concurrence déloyale dès lors qu’une telle action l’amène à se prononcer sur une question relevant d’un droit de propriété intellectuelle.

Ainsi quand bien même le requérant invoque vouloir former des demandes exclusivement sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme, il convient de vérifier si celles-ci impliquent néanmoins un examen de l’existence ou de la méconnaissance d’un droit d’auteur.

Dans sa requête, la société Qualifia indique rechercher des preuves de ce que la société C3 Institute, à l’aide de la société de son groupe, Skillogs, serait l’auteur d’actes de parasitisme et de concurrence déloyale constitués par la commercialisation d’un logiciel reproduisant notamment les fonctionnalités, les interfaces et l’expérience utilisateur de son propre logiciel.

Elle y écrit être la première agence à avoir proposé un logiciel métier adapté depuis 2017 en renvoyant à une pièce correspondant à sa page de présentation sur son site internet, dans laquelle on peut lire :

« Pour mener à bien sa mission, ADMTC s’est doté d’un outil numérique, interactif et développé en interne afin de mieux s’adapter aux besoins du métier et à leurs évolutions, il s’agit de la plateforme admtc.pro.

Celle-ci permet la gestion intégrale des certifications (dossier apprenant ‘ gestion des évaluations, de la diplomation ‘ enquêtes satisfaction et suivi diplômes ‘ ressources documentaires) sans un environnement de travail évolutif, sécurisé et sécurisant. »

Aux termes de sa requête, elle ajoute encore que « le logiciel métier proposé « ADMTC.PRO » est une innovation complète, puisqu’aucun équivalent ne préexistait sur le marché. (‘)

Ce logiciel est une proposition de valeur phare pour ADMTC puisqu’il fournit toutes les fonctionnalités permettant à un certificateur de s’assurer de l’accompagnement et du contrôle de ses centres de préparation. » (page 3) et que :

« Les premières images du logiciel de C3 Institute que la société ADMTC a pu se procurer laissent également à penser que ce logiciel copie de manière servile les fonctionnalités, l’interface et l’expérience utilisateur du logiciel d’ADMTC » (page 4).

Corrélé au fait que la mission que la requérante a demandé à voir confiée au commissaire de justice comprenait la recherche de la copie du logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception préparation, sa documentation, son code source ou son code objet, il s’avère que la requérante entend bien reprocher aux intimées d’avoir reproduit des éléments originaux de son logiciel pour lequel elle revendique l’empreinte de sa personnalité, ce qui impliquera de procéder à l’analyse de l’existence ou de la méconnaissance du droit d’auteur détenu par ADMTC sur son logiciel ADMTC.PRO.

Or aux termes des dispositions des articles L. 331-1 et D. 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle, il s’avère que le tribunal judiciaire de Nanterre, en tant que juridiction matériellement compétente pour statuer au fond, était dès lors exclusivement compétente pour connaître de la requête de la ADMTC.

Par voie d’infirmation de l’ordonnance dont appel, l’incompétence du tribunal de commerce de Nanterre sera constatée.

Toutefois, en application des dispositions de l’article 90 du code de procédure civile, la présente cour, en tant que juridiction d’appel du tribunal judiciaire de Nanterre, est compétente pour statuer sur la régularité, les mérites de la requête et le caractère légalement admissibles des mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Il convient donc de vérifier, avant tout, que le recours à cette procédure était possible et ne constituait pas un détournement de l’obligation pour la requérante d’agir en vertu des dispositions de l’article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle.

En effet, ces dispositions légales prévoient une procédure spécifique en matière de recherche de preuve de contrefaçon de logiciels, plus contraignante que celle de l’article 145 du code de procédure civile, qui impose de respecter des formes légales strictement prévues, et notamment de saisir le tribunal au fond dans un délai déterminé.

Or dès lors que les mesures sollicitées et ordonnées par le juge des requêtes sur le fondement de l’article 145 visent à établir principalement que le logiciel LCP lancé en novembre 2022 par la société C3 Institute, est la copie servile du logiciel métier « ADMTC. PRO » appartenant à ADMTC, et que pour ce faire, le commissaire de justice s’est vu donner pour mission de « se faire communiquer, présenter, produire et rechercher les documents, correspondances ou fichiers informatiques sur tous supports informatiques, serveurs locaux ou distants, messageries électroniques se rapportant au logiciel développé à la demande de C3 Institute et de Skillogs dit la plateforme LCP ou Learning Certifications Platform, son cahier des charges, ses spécifications, son matériel de conception, préparation, sa documentation, son code source ou son code objet et les projets de développements futurs », ainsi que de rechercher à partir de mots clés, « les échanges entre les appelantes et leurs développeurs missionnés pour développer la plateforme LCP », afin de déterminer « la mesure dans laquelle l’accès au logiciel de la société ADMTC par la société C3 Institute en tant que cliente a été indûment utilisé pour développé un logiciel concurrent » (conclusions de la ADMTC page 10), c’est à l’évidence la preuve de la contrefaçon du logiciel « ADMTC.PRO » qui est ainsi recherchée.

Dès lors, ADMTC ne pouvait recourir à la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile pour ce faire, de sorte que, par voie d’infirmation de l’ordonnance du 7 juillet 2023, il convient de rétracter l’ordonnance sur requête en date du 15 février 2023.

Il s’ensuit que les mesures réalisées en exécution de cette décision sont dépourvues de tout fondement juridique.

Il convient ainsi d’ordonner au commissaire de justice instrumentaire, la SCP Judicium, Yves de Forcade la Roquette ‘ Luis Boutanos ‘ Gaëlle Contentin, de restituer aux sociétés C3 Institute et Skillogs l’intégralité des éléments saisis.

Surabondamment, il sera relevé que le recours à une procédure non contradictoire n’était pas davantage justifié, s’agissant d’une volonté d’appréhender des éléments relatifs à l’élaboration d’une plateforme dont l’ouverture a été annoncée publiquement et pour laquelle une description détaillée a été mise en ligne sur le site YouTube, éléments par ailleurs insusceptibles de disparaître s’agissant de données essentielles à la maintenance, au développement et à l’existence même du logiciel, tandis que par ailleurs, le motif légitime de la requête n’était pas davantage caractérisé dès lors que la requérante s’abstient de justifier précisément des éléments de son logiciel qui auraient été copiés par les sociétés C3 Institute et Skillogs.

Sur les demandes accessoires :

Les sociétés C3 Institute et Skillogs étant accueillies en son recours, l’ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, ADMTC ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice de l’avocat qui en a fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser aux sociétés C3 Institute et Skillogs la charge des frais irrépétibles exposés. L’intimée sera en conséquence condamnée à leur verser une somme globale de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme l’ordonnance du 7 juillet 2023,

Dit que le tribunal de commerce de Nanterre était matériellement incompétent,

Par l’effet dévolutif de l’appel,

Statuant à nouveau,

Rétracte l’ordonnance sur requête rendue le 15 février 2023,

Dit que la SCP Judicium, Yves de Forcade la Roquette ‘ Luis Boutanos ‘ Gaëlle Contentin restituera aux sociétés C3 Institute et Skillogs l’intégralité des éléments saisis,

Condamne la société Qualifia, autrement appelée ADMTC, à verser aux sociétés C3 Institute et Skillogs la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel,

Dit que la société Qualifia, autrement appelée ADMTC, supportera les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,